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Episode 8
Hôte : Bonjour, mon nom est Jean-Pierre Keller. Aujourd’hui, nous vous proposons deux entretiens:
- le premier, avec le Directeur Général de l’Hospice Général, qui nous parlera de la situation des réfugiés en Suisse
- le deuxième, avec l’ancien Premier Ministre de la France, qui partagera avec nous sa vue sur les défis et les opportunités auxquels l’Europe est confrontée.
Mr Christophe Girod - Directeur Général de l’Hospice Général - s’entretient avec Xavier Collin - membre associé et journaliste au GCSP - au sujet de la situation des réfugiés en Suisse. Cette conversation a eu lieu dans le cadre de la semaine de la paix de Genève, manifestation organisée annuellement par Initiatives et Changements - Suisse.
Xavier Colin : Christophe Girod, expliquez-nous comment vous articulez votre action au niveau de l’Hospice Général. Il y a un certain nombre de chapitres, presque chronologiques, mais assez intéressants intellectuellement à développer. Comment voyez-vous le long processus qui vous est confié ?
Christophe Girod : Ce qui nous est confié par le Canton, c’est l’accueil, l’hébergement et l’intégration des requérants d’asile attribués au Canton de Genève dans notre société et dans le monde du travail.
Xavier Colin : les mots ont une importance et parfois une connotation étrange. Quand on dit accueil, on a l’impression qu’il faut tout faire pour accueillir les immigrants ou immigrés. Est-ce que déjà là au départ il y a un problème de sémantique ?
Christophe Girod : Alors je dirais au niveau de l’accueil peut-être pas, mais il y en a plus dans le mot intégrer que dans le mot accueil. En tout cas tel que nous le concevons, c’est-à-dire le premier accueil bienveillant, les diriger dans la jungle administrative, les soins médicaux, l’orientation scolaire, les premiers pas pour apprendre le français, je dirais le premier accueil de base lorsque vous arrivez dans une société que vous ne connaissez pas et qu’il va vous falloir maîtriser pour pouvoir vous intégrer.
Xavier Colin : Alors le deuxième chapitre qui est très important, c’est l’hébergement, qui n’est pas seulement un problème technique ou financier …
Christophe Girod : L’hébergement, surtout à Genève est quelque chose d’assez délicat. On sait que le Genevois moyen a déjà des problèmes à se loger lui-même à des prix raisonnables, alors vous pouvez imaginer des requérants d’asile, des migrants qui n’ont pas toujours une image très positive au sein de la société. Il y a une xénophobie ambiante qui est existante. Les héberger n’est pas une tâche facile quand ils arrivent nous les mettons dans les centres collectifs. Genève avait, a toujours, mais heureusement moins, des centres vieux, désuets, obsolètes, qui ne sont plus appropriés, que nous remplaçons. C’est l’effet de la crise des migrants qui nous a permis de construire par exemple le centre Rigot, ici à Genève, place des Nations, en plein milieu de la ville en face du Haut-Commissariat aux Réfugiés et surtout de le construire de manière à ce que chaque requérant d’asile, chaque famille puisse poser ses affaires avec des entités, une chambre ou des chambres, un séjour, une salle de bains, des toilettes… alors que dans les anciens centres, il faut partager cela, ce qui est source de tension. En posant leurs valises, ils peuvent ainsi consacrer leur énergie à s’intégrer.
Xavier Colin : Nous y voilà à ce fameux mot d’intégration, est-ce une intégration que les gens eux-mêmes acceptent dès le début ? Savent-ils s’ils vont rester dans cette société Genevoise et Suisse ? Est-ce que cela leur pose problème à eux ? Et comment vous pouvez, vous, résoudre tous ces problèmes liés à l’intégration ?
Christophe Girod : Lorsque l’on discute avec des requérants d’asile ou un réfugié, la première chose qu’il souhaite c’est s’intégrer et travailler. Ils le disent tous, nous voulons nous intégrer, nous voulons travailler. Alors évidemment cela est plus vite dit que fait car cela ne dépend pas seulement de la volonté de celui qui veut s’intégrer mais cela dépend aussi de la société d’accueil.
Xavier Colin : Et les textes législatifs qui souvent interdisent…
Christophe Girod : Les textes législatifs quand ils ne sont pas administratifs qui nous facilitent voir ne nous facilitent pas la tâche. Donc cette intégration voulue est tout un processus d’apprentissage de la langue, des us et coutumes, et de se former ou reformer parce qu’il n’y a pas forcément d’équivalence de formation que la personne avait dans son pays et ici. Tout cela est un processus qui prend beaucoup plus de temps que l’on aimerait et que le réfugié aimerait.
Xavier Colin : Idéalement, cette intégration se ferait beaucoup plus facilement si les décisions administratives étaient prises plus rapidement sur la possibilité de rester ou non ?
Christophe Girod : Evidemment c’est lié, un réfugié qui reste dans l’incertitude quant au sort qui est réservé à sa demande d’asile aura, en tout cas certain d’entre eux, beaucoup plus de peine à s’intégrer que quelqu’un qui est fixé sur son sort et qui sait qu’il va rester en Suisse. Il va démultiplier ses efforts d’intégration, c’est évident. Une procédure d’asile accélérée est sans doute souhaitable. C’est d’ailleurs vers cela qu’on va. Ce qui devrait permettre au Canton dans le nouveau système, d’accueillir des gens qui auront déjà une décision sur leur demande d’asile, leur permettant de déployer encore plus d’efforts et d’être plus efficace dans l’intégration et l’insertion de ces personnes.
Xavier Colin : Alors résumons, accueil, hébergement, intégration, pourrait-on rajouter aussi une dimension de sensibilisation du public qui, peut-être, ne comprend pas et pour certain, n’admet pas tout le travail qui est fait par exemple dans le cas de l’Hospice Général ?
Christophe Girod : C’est un gros défi pour l’Hospice Général et nous essayons sans arrêt, comme je dis de « descendre dans la cité ». Nous participons à beaucoup d'événements comme le Refugee Food Festival, une semaine durant laquelle des cuisiniers migrants investissent les cuisines de restaurants, la Course de l’Escalade, le Festival international du film sur les droits humains. Nous essayons à chaque fois d’être parti des événements Genevois, pour montrer que les personnes migrantes ont aussi leur place et ont envie de participer à la vie de notre société.
Xavier Colin : Merci Christophe Girod. Merci à vous
Hôte : C’est avec Mr Jean-Pierre Raffarin, Ancien Premier Ministre de la France que nous poursuivons ce podcast; la discussion portera sur les défis et les opportunités auxquels l’Europe est confrontée, tant sur le plan interne qu’externe.
Brexit, montée du populisme, importance de travailler pour la paix dans le monde, mais aussi qualités nécessaires d’un leader en matière de paix et de sécurité, tels sont les thèmes abordés dans cette discussion.
Mr Jean-Pierre Raffarin s’entretient avec Salimata Sophie Seck, Junior Programme Officer au sein du GCSP.
Salimata Seck : Bonjour Monsieur l’ancien Premier Ministre de France et bienvenue au GCSP. Merci de nous accorder un peu de votre temps. Monsieur l’ancien Premier Ministre Français, de nombreuses divisions existent en Europe. Les mouvements populistes se développent, les sociétés se fragilisent avec des attentes différentes de leur gouvernement et tout cela à quelques semaines seulement des prochaines élections européennes. Comment l’Europe peut-elle avancer, y a-t-il une chance de donner un nouveau souffle à l’esprit européen dans un environnement fait de craintes et d’incertitudes ?
Jean-Pierre Raffarin : La situation est préoccupante en effet. Les forces internes comme le Brexit ou la montée des populismes fragilisent l’Europe à l’intérieur. Mais des forces externes fragilisent aussi l’Europe aujourd’hui. M. Trump n’est pas vraiment un ami de l’Europe, il remet en cause les accords comme les accords de Paris, les accords de désarmement à l’est de l’Europe, ou l’accord sur l’Iran. Donc, on a des pressions, il n’est pas le seul d’ailleurs à remettre en cause un certain nombre de choses donc nous avons des inquiétudes internes et externes. Mais n’oublions jamais que l’Europe est née de difficultés, que l’Europe est née de l’horreur, que l’Europe est née de la gravité. Et au fond, on croit ressentir aujourd’hui par exemple avec le Brexit, une sorte de renaissance du sentiment européen parce que les opinions publiques sont en train de prendre conscience que finalement l’Europe pourrait sortir de l’Histoire. Si elle sort de sa construction, elle peut peut-être sortir de l’Histoire. On voit bien qu’il y a une pédagogie et cette pédagogie du Brexit, on voit que c’est une sorte d’impasse. Une impasse économique, une impasse politique et finalement, il y a une sorte de prise de conscience que le monde est dans une situation trop grave pour que l’Europe se déconstruise. Peut-être qu’en revenant aux sources de l’Europe, c’est-à-dire la lutte contre l’horreur, la lutte contre les guerres, la lutte contre le racisme, la lutte contre l’antisémitisme. Toutes ces luttes finalement font jaillir une renaissance européenne. C’est un peu un espoir mais je sens quand même que cet espoir prend quelques réalités aujourd’hui.
Salimata Seck : Et vous parlez de retourner aux sources de l’Europe dans ce contexte, pour vous quelle est la spécificité de l’Europe ?
Jean-Pierre Raffarin : C’est au fond de se rassembler quand on s’est entre-tué. C’est au fond faire des choses que l’Europe a été capable de faire, que d’autres n’ont pas forcément réussi. Je pense à mes amis Chinois et mes amis Japonais qui n’ont pas réussi aussi fortement que les Français et les Allemands à se rassembler sur une perspective nouvelle. L’Europe au fond, c’est la violence surmontée, c’est la guerre dépassée, c’est l’exigence de paix, une paix qui n’est pas toujours facile, mais une paix qui est nécessaire pour les populations. Au fond, c’est cette alliance de paix, de démocratie et de recherche de liberté. On voit bien qu’il n’y a pas d’espoir démocratique, ni d’espoir de liberté dans la guerre. Finalement, l’Europe, c’est cette réponse-là.
Salimata Seck : Monsieur l’ancien Premier Ministre, quels seraient les conseils que vous pourriez donner aux leaders de demain, qui souhaitent assurer la paix et la sécurité dans le monde, une mission à laquelle le GCSP contribue aussi ?
Jean-Pierre Raffarin : Le GCSP travaille sur ces questions. « Leaders pour la paix », l’ONG que j’anime, travaille aussi sur ces questions. Si j’avais un conseil à donner ce serait « Au travail » ! La paix ne tombe pas du ciel, il y a des écoles de guerres partout dans le monde, parfois plusieurs dans un seul pays. Mais combien d’école de paix ? Ici à la maison de la paix, nous sommes dans une école de paix. Mais qu’est-ce-que c’est qu’une école de paix ? C’est du travail, il faut comprendre l’autre et il faut s’intéresser à sa culture. Vous ne pouvez pas parler à un Chinois sans être allé(e) en Chine. Vous ne pouvez pas parler à un Russe sans connaître l’histoire de la Russie. Aujourd’hui, on voit bien que les sujets sont de plus en plus complexes et on demande des solutions de plus en plus simples. Il faut accepter que la paix, c’est un travail, et que cela demande un effort de paix. J’apprécie beaucoup qu’ici on travaille pour la paix. La paix mérite qu’on travaille pour elle.
Salimata Seck : Selon vous, qu’est ce qui fait la qualité dans nos gouvernements ?
Jean-Pierre Raffarin : La vision, la perspective, c’est ce qui doit conduire un dirigeant dans la clarté et dans la transparence, avec ses ambitions vertueuses, faire en sorte qu’il puisse être une force qui va et qu’il sait où elle va.
Salimata Seck : Quelles belles dernières paroles, merci à vous.
Conclusion :Nous arrivons au terme de ce podcast et nous tenons à remercier M. Christophe Girod ainsi que Son Excellence, M. Jean Pierre Raffarin de nous avoir rejoints,
Assurez-vous de vous abonner au podcast sur iTunes et rejoignez-nous la semaine prochaine pour écouter les dernières informations concernant la paix et la sécurité internationale.
Au revoir et à bientôt.