L'ancien vice-président du Burundi partage son expérience avec le Rotary Genève international
L'ancien vice-président du Burundi partage son expérience avec le Rotary Genève international
Ce 7 mars 2018, Dr Gervais Rufyikiri, a parlé du Burundi en abordant les sujets tels que les droits de l’homme, l’éducation ou le rôle de la société civile.
Ce 7 mars 2018, le Dr Gervais Rufyikiri, ancien Vice-Président du Burundi et « Government Fellow » au GCSP, a pris le temps de partager son expérience avec les clubs Rotaract Genève International et Rotary Genève International.
Le Dr Rufyikiri a couvert des sujets tels que l’éthique en matière de gouvernance, les droits de l’homme, l’éducation, le rôle de la société civile ainsi que le climat de peur qui règne dans le pays depuis 2015.
Le Burundi est enclavé dans la région des Grands Lacs, région qui se caractérise par une situation compliquée en termes de stabilité et de sécurité. En rappelant les successions de coups d’Etat et de crises politiques qu’a connues le Burundi depuis son indépendance en 1962, le Dr Rufyikiri a abordé les causes structurelles de tensions politiques durables. Le Burundi, composé à 85% de l’ethnie hutu, à 14% de l’ethnie tutsi et à 1% de l’ethnie twa, a en effet connu de longues périodes de tensions et de guerres civiles. L’environnement socio-politique est marqué par des divisions et rivalités ethniques, des assassinats politiques et des meurtres inter-ethniques.
Historiquement, un système monopartite dirigé par l’UPRONA a régné sur le Burundi entre 1966 et 1992. Cette période s’est ensuivie d’une difficile cohabitation multi partisane qui a mené à la guerre civile de 1993. Depuis 2005, malgré un multipartisme de façade, le CNDD-FDD, ancien mouvement rebelle devenu parti au pouvoir, occupe tout l’espace politique. La décision du président Nkurunziza de se représenter pour un troisième mandat en 2015 a conduit nombre de leaders et d’acteurs médiatiques tant hutus que tutsis à l’exil, par crainte de représailles. Cette violence structurelle tire son origine d’un héritage de plusieurs années ou les milices se sont cachées dans le maquis, et qui héritent d’une vision militarisée, autoritaire et violente de la gouvernance.
Le Dr Rufyikiri a également abordé une question centrale dans la domination de facto du parti au pouvoir : le rôle des Imbonerakure, la milice armée de parti au pouvoir. Ces jeunes pro-gouvernementaux sont le bras armé du gouvernement et mènent des exactions, des passages à tabac et des meurtres politiques en toute impunité. La violence structurelle, les assassinats à caractère ethnique ou politique, l’exil forcé, les viols, la torture sont désormais monnaie courante. Dans ce contexte, la corruption endémique participe au sentiment général d’impunité qui règne. Suite à cette situation sécuritaire extrêmement inquiétante, un panel indépendant des Nations Unies a demandé à la Cour Pénale Internationale en septembre 2017 de mener une enquête sur de possibles crimes contre l’humanité.
Le Dr Gervais Rufyikiri dénonce de faibles valeurs morales et éthiques en matière de gouvernance, ainsi qu’une volonté de se maintenir coûte que coûte au pouvoir. En 2015, lorsque le Président a violé l’accord d’Arusha ainsi que la Constitution et a imposé sa décision d’un troisième mandat, le Dr Rufyikiri a décidé de démissionner de ses fonctions et de s’exiler à l’étranger. Aujourd’hui, il s’inquiète pour l’avenir de son pays. Les contre-pouvoirs manquent : l’immense majorité de la population vit dans la peur en région rurale, et la société civile, affaiblie par le pouvoir, ne peut défendre ses droits. Sur le plan médiatique, les médias indépendants, auparavant très actifs, ont été réduits au silence.
Le Dr Rufyikiri termine sur une note d’espoir : selon lui, l’impulsion du changement pourrait venir du renforcement de la conscience des citoyens par rapport à leurs droits, du renforcement de la société civile et d’une coalition des forces d’opposition pour faire entendre raison au Président. En l’état de la situation, l’exercice des valeurs démocratiques manque.
Les participants, les clubs de Rotaract Genève International et de Rotary Genève International, ont alimenté le débat de leurs très nombreuses questions. Cette riche discussion sur une situation dramatique a permis aux participants de s’informer grâce à un acteur de premier plan.
Les propos tenus n’engagent que son auteur.