La fête nationale suisse
La fête nationale suisse
La fête nationale suisse a été fixée au premier août, une date mentionnée dans le pacte fédéral de 1291. De manière représentative des institutions suisses, cette fête n’a été déterminée qu’à la fin du XIXème siècle, lors du 600ème anniversaire du Pacte, choisi à cette occasion comme date de création de l’ancienne Confédération. Le Conseil fédéral demanda aux cantons de faire sonner les cloches des églises et d’allumer des feux de joie pour fêter la journée. En 1899, sous l’influence des Suisses de l’étranger, qui voulaient aussi célébrer l’équivalent d’un 14 juillet, le Conseil fédéral institutionnalisa la manifestation. Dans les années trente, la fête et le pacte symbolisèrent une volonté d’indépendance farouche en réaction au totalitarisme. Depuis, la fête nationale suisse demeure un événement plutôt modeste, sans défile en ou grande pompe, organisé par les communes. Ce n’est d’ailleurs que depuis 1994 que la fête nationale est un jour férié, après qu’une majorité du peuple et des cantons ait accepté une initiative constitutionnelle.
Le discours des autorités représente un moment incontournable des célébrations. La Présidente de la Confédération s’exprime sur les chaines régionales de la télévision, les membres du Conseil fédéral visitent les régions linguistiques. Dans chaque commune, des politiciens et politiciennes, parfois des jeunes citoyens, expriment ce que la fête nationale représente pour eux. Nation, nationalisme, la fête du 1er août participe-t-elle du retour du nationalisme dans le monde, un thème que les participants aux cours du GCSP analysent régulièrement ?
Il est peu probable, et ce pas uniquement en raison de l’actualité du COVID-19, que les discours du premier août s’inscriront dans une volonté de transformer la Confédération en un instrument de domination plutôt que de coopération. C’est que la Suisse ne répond pas aux critères communs de nation : est-elle une « nation politique » rassemblée autour d’institutions démocratiques ou bien d’un « pluralisme culturel » (Beatrice Eugster et Oliver Strijbis) ? une nation libérale ou encore un État post-national (Marc Helbling et Nenad Stojanović) ? Ou finalement, comme l’écrivait l’auteur vaudois Charles-Ferdinand Ramuz, « Nous savons bien que nous ne sommes pas ‘Suisses’, mais Neuchâtelois, … Vaudois …, ou Valaisans, ou Zurichois, c’est-à-dire des ressortissants de petits pays véritables », formant ainsi un « pays multinational » qui rassemble des cantons monades (Donald IppercIel). C’est peut-être que la Suisse interroge le concept même de nation, qu’elle en montre, comme l’affirme le politiste Antoine Chollet, le caractère artificiel. Quel est alors le lien entre les Suisses et leur pays ?
Plutôt que de rechercher une réponse dans les sciences humaines, retournons à la littérature avec Ramuz, qui, dans Besoin de grandeur, exprime par la géographie son attachement personnel à son pays :
Je suis patriote parce que j'aime mon pays au sens géographique du mot, j'aime une certaine terre, un certain climat, un certain ciel ; je les aime de nécessité. …
J'aime cette terre parce que j'en sors, ce climat et ce ciel parce que j'en ai toujours été entouré ; consentant par là au mystère qui préside pour chacun de nous à sa promotion à l'être, qui le fixe et l'oblige à un point dans l'espace, à un moment dans le temps…
Patriote est même trop fort ; il faudrait pouvoir dire paysan, car il y a pays dans paysan ; paysan n'engage que la terre et il y a "pères" dans patrie, il y a histoire dans patrie, il y a passé dans patrie : pays n'engage que le présent. Pays n'engage que la géographie ; il ne fait pas allusion à des faits qui ont été, mais seulement à des choses qui sont ...
Et de ce fait, au-delà des lampions, des feux d’artifice et des saucisses grillées, la fête nationale du 1er août peut paradoxalement nous inciter à interroger une construction qui trop souvent sert l’exclusion et la xénophobie. Pour retrouver au présent l’essence des choses et nos propres attaches à ce qui rassemble.
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Christian Bühlmann is the Director, Centre Support and Development at the GCSP. He is seconded from the Swiss Armed Forces.